Les prescriptions du Dr Muller

Le meilleur des cailloux - Devenez Primitif !


Des pépites aux cailloux – de Nuggets aux Pebbles - ou comment l'on est passé des artefacts de la 1ère ère psychédélique à ceux de la première ère punk


C'est le succès du punk qui a inspiré les créateurs de la série de compilations psychédélique-punk qui a pour titre Pebbles. La série des Pebbles a fait découvrir au public incrédule quelques 800 titres obscurs, dans leur majorité américains. Ces morceaux sont, pour la plupart, affiliés au genre psyché-punk ou garage-punk comme l'on voudra. Ils n'étaient connus auparavant que d'une minorité de collectionneurs avisés. La série qui a débuté en 1979 a pris fin en 2007 avec la publication du volume 11 Pebbles, Volume 11 : Nothern California. Il s'agit là bien sur de la version officielle car un certain flou règne sur la numérotation des compilations (réalisées par différents labels ) puisque le volume 12 a été publié en 1999 ! Sans compter qu'il existe 28 publications qui à partir de la 15ème explorent les arcanes du psyché-punk européen (Hollande, Danemark,Suède, Allemagne, Suisse, etc...).


Les Pebbles comme définition des canons du garage-punk

Dans sa critique de la série des Pebbles pour le site Allmusic, Richie Unterberger écrit « Quoique la compilation Nuggets en 1972 a révélé au public le son du garage-rock des mid-sixties, elle s'était focalisée sur le haut de l'iceberg. Au delà de ces tubes et presque succès oubliés, il y avait des centaines voire des milliers de succès régionaux et d'échecs datant de la même époque, encore plus sauvages et primitifs si possible. Plus que tout autre facteur, ces compilations furent responsables de la résurgence du garage-rock qui aujourd'hui est toujours hautement apprécié des collectionneurs ».


Des Pebbles comme s'il en pleuvait

Si l'on inclut comme le fait Wikipedia les séries Highs in the Mid-Sixties, les Best of Pebbles, Essential Pebbles, Planetary Pebbles et deux coffrets, on obtient plus de 60 albums qui ont utilisé le label Pebbles. A la suite du succès de la série, des douzaines d'autres compilations sont parues dont la plus intéressante, à notre humble avis, est la série des Back From The Grave et ses 10 volumes. On peut aussi contester le fait de mettre dans la liste les Highs in the Mid-Sixties dans la mesure où ces compilations sont largement en dessous du niveau des Pebbles.


Pebbles vs Nuggets

La dénomination Pebbles, Cailloux, dérive de celle de l'album séminal Nuggets, Pépites. Ceci met en valeur le fait que les titres disponibles sur les Pebbles sont plus obscurs que ceux de Nuggets car la majorité des groupes présents sur cette dernières ont obtenu au moins un succès national (Seeds, Blues Magoos, Electric Prunes, Standelles, Count Five, etc.) et ont parfois un ou plusieurs albums sous le coude ce qui n'est pas le cas des groupes figurant sur Pebbles. Enfin, il faut noter que la série des Pebbles se définit comme celle du « Punk rock originel des sixties psychédélique » alors que Nuggets se veut celle des « artefacts originels de la 1ère ère psychédélique, 1965-1968 ». Il faut dire que les Pebbles ont capitalisé sur le succès du Punk rock en Angleterre et ailleurs mais aussi sur le fait que le Punk anglais et américains a revendiqué son amateurisme et qu'ainsi il se reliait fortement à tous ces groupes d'adolescents boutonneux qui répétaient dans le garage de leurs parents, espérant ainsi obtenir le suffrage des filles qui tournaient autour des musiciens. Bien sur les drogues, surtout les drogues psychédéliques, ont ajouté un élément explosif qui a fait que ces musiciens qui copiaient les groupes anglais qui eux-mêmes s'inspiraient du blues et du rythm'n blues américain, ont enregistré des morceaux percutants, délirants. Par la suite de nombreux groupes ont tenté de reproduire le son de cette époque, d'autres s'en sont fortement inspirés.


Best of Pebbles, Vol. 1 – Soyons primitifs


Cette compilation issue des Pebbles, sortie en 1990, est un Best Of des Pebbles et présente des groupes, qui s'ils n'ont jamais eu la faveur des Hit-Parades, demeurent pour la plupart de parfaits exemples de perdants magnifiques. Elle regroupe des combos essentiels pour l'histoire du garage-punk et pour l'influence qu'ils ont exercé post-mortem. Et si l'on parle d'influence on peut estimer que le renouveau du rock néo-sixties du début des années 80 (Fuzztones, Chesterfields Kings, Cynics, Barracudas, Imnates, etc.) comme celui du garage-punk des années 2000 (White Stripes, Gories, Dirtbombs, Baby Woodrose, Hentchmen notamment) doit beaucoup aux Pebbles dont nombre de groupe se sont inspirés ou ont repris des titres phares


The Third Bardo - I'm Five Years Ahead Of My Time

L'unique single des Third Bardo est sorti en 1967. Le groupe était originaire de New York. Leur leader, Jeffrey Monn, avait tiré leur patronyme du Livre des Morts Tibétains et se réfère à un retour à la réalité, à une descente de voyage à l'acide. L'inclusion du titre sur Pebbles, Vol. 3 en a fait un classique du psyché-punk de part son introduction hantée et grâce à la guitare fuzz rampante. Conséquemment le Third Bardo apparaît sur de nombreuses et ultérieures compilations. Les Third Bardo ont inspiré de nombreuses reprises de ce Je suis en avance de 5 ans sur mon époque : les Nomads, les Sadies, Monster Magnet, Zodiac Panthers, The Last Drive.


Jimmy and The Offbeats – I Ain't No Miracle Worker

Enregistrée en 1966, cette version du titre des Brogues n'a jamais connu, comme l'originale, l'honneur d'un succès autre que local. Cela n'a pas empêché le Chocolat Watch Band d'enregistrer sa version d'I Ain't No Miracle Worker. Plus près de nous, il faut citer l'excellente reprise des Barracudas et celle des Chesterfield Kings.

 


Nobody's Children – Good Times

Les enfants de personne ont enregistré ce Bon Temps en juin 1966. Un riff de guitare monstrueux et une voix d'outre-tombe en font un ovni musical percutant et réjouissant. Good Times a eté repris par les Butthole Surfers et The Tryfles et les Cannibals.

 


The Sparkles – No Friend Of Mine

The Sparkles ont proposé leur Tu n'est pas mon pote en 1967 sur le label Hickory. Les Sparkles étaient un combo très populaire dans l'ouest du Texas entre 1957 et 1972. Il s'était formé en 1957 à Levelland et ont enregistré dans le studio de Norman Petty (cf. Buddy Holly) en 1958 mais rien n'en est sorti. Entre le début et la fin du groupe de nombreux musiciens se sont succédés mais les Sparkles ne sont jamais parvenus à une reconnaissance autre que locale. Dommage, car lorsqu'on écoute leur No Friend Of Mine, on ne peut qu'être séduit par ce cri du cœur à l'égard de tous les faux amis... Ce cri du cœur a séduit aussi The Tribe, The Allniters, les Cynics, les Fuzztones, The Mono Men, The Swamp Rats et même The Ides Of March qui furent, un temps, les rivaux de Blood Sweat and Tears et de Chicago Transit Authority.


The Avengers – Be A Cave Man

Les Avengers sont originaires de Bakersfield, Californie mais faisaient partie de la scène des clubs de Los Angeles. Leur heure de gloire ce fût ce Be A Cave Man, condensé d'arrogance adolescente en trois accords. Comme la majorité des titres de ce Best Of Pebbles, vous n'aurez aucune difficulté à retrouver ce titre sur de nombreuses compilations (Highs in the Mid Sixties, Boulders, Vol. 1, Pebbles Vol. 2 & 3, etc). Parmi les nombreuses versions de ce titre on peut citer celles des Dwarves, des Fuzztones ou encore des Gravedigger V.

 


The Barbarians - Hey Little Bird

Les Barbarians sont sans doute le combo le plus connu (?) de cette série car ils ont eu au moins deux succès : Are You A Boy Or Are You A Girl qui traite d'un sujet essentiel à l'époque de sa parution : Est-ce un garçon ou est-ce une fille ? L'autre titre, c'est Moulty que l'on retrouve sur la compilation séminale Nuggets et qui conte l'histoire du batteur manchot Victor Moulton qui a perdu sa main à cause de feux d'artifice et qui, en conséquence, joue avec un crochet. Pour la petite histoire on prétend parfois que ce ne sont pas les Barbarians qui ont enregistré le morceau mais The Hawks, futur Band de Dylan. Le groupe qui vient de Provincetown, Massachusetts a aussi enregistré un album ce qui n'est pas le cas de la majorité des groupes de ce Best Of. Sa carrière s'arrête en 1966. Pas mal pour un groupe dont le principal argument de vente était leurs cheveux longs et les scandales de curés qu'ils portaient sur la pochette de leur album pour se différencier des Beatles Boots. Par contre il est pratiquement sur que les Chesterfield Kings et les Miracle Workers portaient, eux, des Beatles Boots lorsqu'ils ont fait leur version d'Hey Little Bird.

 


The Squires – Going All The Way

Bristol, Connecticut, nous offre les Squires qui avec ce Going All The Way (1966) ont gagné leur ticket pour le premier volume des Pebbles. Cette reconnaissance posthume a fait que Crytpt a sorti un album d'inédits du groupe en 1986. la meilleure reprise des Squires est certainement celle des Slickee Boys sur leur album Uh Oh.. No Breaks.

 


The Spades – You're Gonna Miss Me

Les Spades viennent d'Austin, Texas. Ils ont gagné leur présence dans l'histoire du garage-punk pour avoir compté dans leur rangs un certain Rocky Erickson qui avait rejoint les Spades après avoir joué avec les Fugitives. Bien entendu la version la plus connue est celle du 13th Floor Elevators. On ne compte plus les reprises de ce classique : Radio Birdman, DMZ, les Cramps, Jad Wio, les City Kids, en France, The Things, Sir Douglas Quintet, etc.

 


The Electras – Action Woman

La carrière des Electras est étroitement liée à celle de Litter dont ils partagent le titre phare Action Woman et le producteur Warren Kendrick. Ils se forment à Ely, Minnesota en 1962 quoique la première version du combo se sépare en 1964. Action Woman est le parangon de l'Acid Punk, guitare tronçonneuse et vocaux agressifs. La femme d'action a été fréquentée par les Fuzztones et les australiens Lime Spiders.

 


The Calico Wall – I'm A Living Sickness

C'est en 1967 que le Calico Wall enregistre, dans la banlieue de Minneapolis, ce classique garage qui se caractérise par des vocaux menaçants, des effets sonores frappants, une guitare fuzz et distordue. Les Dwarves et les Fuzztones (encore!) ont mis les Calico Wall à leur répertoire et il semble bien qu'ils aient été les seuls à pratiquer cet exercice

 


Randy Alvey – Green Fuzz

Tout le monde ou presque connaît la version des Cramps de Green Fuzz qui figure sur leur deuxième album mais celle de Randy Alvey and The Green Fuzz ? Ce groupe qui a sévi à Bridgeport dans le nord du texas a enregistré ce fuzz vert avec un magnétophone à cassette dans l'arrière salle d'un café ce qui explique l'écho et le son brut de décoffrage. A l'époque, il n'y a eu que 500 exemplaires de pressés ce qui explique sa rareté. On peut remercier les archéologues du rock qui l'ont déniché. Par la suite le fuzz vert a inspiré les Teddy Boys From The Crypt, les Cramps, les Lemonhead, les Miracle Workers.

 


The Bees – Voices Green And Purple

Ah, les Bees ! Ils viennent de La Verne près de Los Angeles. Ils sont cités comme l'exemple séminal de l'influence du LSD sur un groupe de rock adolescent. Ce Voices Green And Purple se caractérise par ses paroles qui narrent un voyage à l'acide qui culmine par des hurlements accompagnés par un rythme à la Riot On Sunset Strip des Standells. Les Fuzztones qui semblent avoir pioché entièrement leur répertoire dans les Pebbles ont commis leur version des voix vertes et pourpres.


The Gonn – Blackout Of Gretely

Basés à Keokik, Iowa, les Gonn sont sortis des cendres des Pagans, un groupe garage spécialisé dans les reprises. Ils étaient un groupe de scène réputé ce qui leur permit d'être contactés par un certain Bill Egan qui les avait vu en action et les voulait pour l'accompagner sur un single. Le marché était que le groupe joue derrière lui pour deux chansons et qu'en échange, ils pourraient enregistrer deux titres de leur composition. Ce qui fût fait sur le label Emir en 1966. A noter que plusieurs albums post-mortem du groupe sont sortis : Rough Diamonds : The History Of Garage Band Music, Vol 9 : Gonn (1985), Frenzology (1996), Gonn With The Wind (1998), Loudest Band In Town (1999). On peut considérer que cela fait beaucoup pour un groupe qui durant sa courte existence n'a jamais enregistré officiellement que deux singles. Une des rares versions du « tube » des Gonn a été réalisée par (devinez qui ?) les Fuzztones bien sur...

 


Murphy And The Mob – Born Loser

Tyler, Texas, 1966 ou 65, certains sont nés perdants comme Murphy and The Mob. Pourtant leur Born Loser est une merveille de rock garage. On note peu de candidats né perdants sinon Thee Spirals en 1988, les Sellwoods, les Prosonics, les Lord High Fixers.

 

 


Groupies – Primitive

C'est en 1965 que ce quintet originaire de New York commet ce superbe Primitive au rythme lent, menaçant, intense. Les Cramps ont commis une version très proche de l'originale sur leur album Psychédélic Jungle.

 

 

 


On peut constater que de nombreux groupes se sont inspirés, ont repris des titres issus des Pebbles et que l'esprit du rock garage-punk est toujours présent car il représente un âge d'or du rock de par sa sauvagerie, sa brutalité, son agressivité et son innocence. Dans des temps dominés par les artistes marketing surproduits et où toutes les productions se ressemblent comme deux gouttes d'eau, la spontanéité des groupes enregistrés sur les Pebbles et autres Nuggets est comme un bain de jouvence psychédélique. Cependant, il ne suffit pas de reprendre note pour note les « classiques » du psyché-punk pour faire un rock excitant, la connaissance des substances qui ont inspiré ces groupes primitifs est aussi essentielle : sex, drugs & rock 'n roll telle est l'alchimie.

Remerciements : Wikipedia, Discogs, Twilight Zone, Fuzz, Acid and Flowers


Facebook

Fou de rock est listé dans la catégorie Genres musicaux : Musique Rock de l'annuaire Actualite referencement